A l’occasion de la sortie de son livre photo, nous avons posé quelques questions à Emilie, artiste féministe, militante et engagée.
Issue des Beaux Arts et de l’Ecole Nationale Supérieure de la Photographie , qu’est ce qui t’as donné envie de choisir ce parcours ?
J’ai testé pas mal de choses, les études de droit ( atroce), les études de lettres ( ennuyeux) , puis j’ai passé le concours des beaux arts. J’ai alors essayé différents médias, de la peinture abstraite en passant la sérigraphie ou la sculpture monumentale. Mais en 3 ans aux Beaux Art, l’image, fixe ou en mouvement, c’est à dire la photo et la vidéo, sont devenus mes "outils" de prédilection. J’ai donc décidé de me spécialiser, en tentant le concours d’entrée de l’école nationale supérieure de la photographie, ou j’ai passé 3 ans.
Ton travail est militant parce qu’il ouvre un champ de visibilité sur la diversité des corps de femmes, lesbiennes, queer. Comment en es-tu arrivé à travailler sur ce thème plutôt que sur des paysages par exemple ?
Je suis rentrée aux Beaux Art la même année où je suis tombée amoureuse d’une fille, une étudiante de science-po. J’étais en plein rêve amoureux, et j’ai découvert avec étonnement la violence de la lesbophobie, y compris au sein de mes études. Le délire support-surface, la mécatronique, les paysages péri-urbains, les installations a base de poutres en bois et poste tv a l’envers, tout ce qui était (et est encore) super vendeur dans le milieu de "l’art content-pour-rien" m’ennuyait profondément. C’était avant le pacs, les lesbiennes se cachaient encore beaucoup, et les images nous représentant étaient quasi-inexistantes. ça m’a donné envie d’en faire moi-même, même si ça m’a valu de durs combats et beaucoup de censure.
Comment et dans quelles circonstances sont prises tes photos ?
C’est le plus souvent sur le vif, sans studio ni lumières.
Cependant il y a parfois une certaine "mise en scène du réel", car la personne que je prends en photo peux se mettre elle-même en scène selon ses désirs.
Il y a des personnes très proches, amies ou amours, que je suis depuis des années, et je prend en photo différentes étapes de leur/nos vies, dans un cadre plutôt intimiste. Mais il y a aussi des rencontres due au hasard, dans la nuit, dans les bars, dans la rue.
Pour toi c’est quoi une photo réussie ?
Une photo dont je ne me lasse pas, même des années après.
Ton premier livre photo va sortir et il regroupe 15 ans de photo. Comment as tu fait pour choisir parmi des centaines voir des milliers de clichés ? ça a du être difficile ?
C’était très long. J’ai du ressortir tout les disques durs, cd et dvds, négatifs, accumulés pendant toutes ces années.
Tout cela constituait un album photo géant, avec des milliers de visages, d’histoires. J’en ai sélectionné 1000, puis 500, puis 300..
Ensuite j’ai accroché toutes les photos imprimées afin de commencer a faire un chemin de fer, car dans un livre les images sont en vis-à-vis, se répondent entre elles, cela peut complètement changer le sens d’une image quand tu la places a coté d’une autre.
Est que parmi toutes ces photos, c’est possible d’avoir une préférée ?
J’ai toujours de nouvelles préférées ! En ce moment c’est ces deux là :
En tournant tes films, est ce que tu utilises le même regard photographique, ou c’est pour toi totalement différent ?
Esthétiquement, je trouve le résultat assez différent, même si on trouve bien sur des similitudes dans les sujets, les couleurs, les ambiances.
Si tu devais choisir entre réalisatrice ou photographe ?
Mon cœur va a la photo, mais je trouve que les films sont parfois plus efficaces pour transmettre des idées au plus grand nombre.
Te souviens tu de ta toute première photo ?
Oui, un portrait de mon petit frère que j’avais recouvert de feuilles pour le déguiser en buisson, avec Cyclone, notre (feu) vieux chien, portant une cape de Zorro et des lunettes d’ aviateur. Comme dit Ru Paul, “we’re born naked, and the rest is drag !”.