L’auteure-comédienne Elsa Aloisio et l’auteure-réalisatrice Patience Priso travaillent actuellement à la réalisation d’un diptyque de courts métrages, « Jihane » et « Amour Naturel ? », qui conte l’histoire d’amour avortée de Iris et Jihane, leurs quêtes identitaires croisées.

Elles vous présentent ce projet cinématographique, collectif et artistiquement engagé afin de trouver des financements et de le réaliser cet été 2013.

"JIHANE / AMOUR NATUREL" Bande-Annonce from GoodStuff on Vimeo.

1er film : AMOUR NATUREL

Iris et Jihane s’aiment d’un amour criant. « Pour son bien », la mère d’Iris l’inscrit à un stage de « restauration des sexualités » proposé par l’association « Amour naturel » et dirigé par le couple Marc et Evangélie, qui ventent la conversion de certains membres. Coupée de son monde et blessée par ces méthodes supposées expier son homosexualité, Iris rejette violemment Jihane ; elle sombre.

2ème film : JIHANE

Jihane est en colère. Elle vandalise le siège de l’association « Amour naturel » censée expier l’homosexualité des jeunes, association qui a tuée Iris, son grand amour. Elle doit vivre son deuil et sa condamnation à des travaux d’intérêts généraux dans un atelier de restauration de meubles en plein campagne, qui accueille des jeunes en réinsertion. Elle y fera une rencontre inattendue et déterminante, celle de Fred et Agnélé, les gérantes du lieu et retournera peu à peu vers la vie.

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Elsa Aloisio  : J’ai 28 ans, une formation de théâtre classique et contemporain, j’ai joué dans plusieurs pièces de théâtre et monté une compagnie. Je tourne aussi régulièrement dans des courts métrages ou des téléfilms. Naturellement j’ai ressenti le besoin et l’envie d’écrire. « Jihane » est mon premier scénario en tant qu’auteure et je réalise parallèlement à ce projet un documentaire sur Fred Navarro, actuellement co-président de l’association de lutte contre le sida Act up-Paris.

Patience Priso:Je suis réalisatrice, scénariste et productrice, j’exerce depuis plus de 10ans dans l’industrie cinématographique. Après 8ans à produire dans ma 1ère société de production, j’ai fondé le collectif puis société Goodstuff production, avec Apolline Piccadaci et Cécile Friedmann (aka Chill O), dans lequel on développe des projets audiovisuels et cinématographiques, des talents artistiques et techniques. Je suis co-auteure réalisatrice du diptyque Jihane/ Amour Naturel.

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COMMENT CETTE COLLABORATION EST-ELLE NEE ? :

Elsa : L’idée de cette collaboration est née de notre rencontre lors d’une soirée organisée sur une péniche par des collectifs de femmes au lendemain de la marche des fiertés LGBT 2012. Nous avons eu le désir commun de faire une oeuvre collective et professionnelle, qui rompt les stéréotypes et les fantasmes sur l’amour entre femmes.

Patience : Quand Elsa m’a parlé et proposé la première version de Jihane, j’ai vu le potentiel de faire une oeuvre sur un thème universel : l’amour et les obstacles à celui-ci (famille, culture, social) et de mettre en avant des personnages lesbiens du quotidien, tout en évoquant des problématiques de société. Le discours, l’énergie et la motivation d’Elsa m’ont plu, j’ai eu envie de travailler avec elle, et de développer ce projet.

POURQUOI AVOIR ECRIT CES COURTS ?

Elsa : Je suis tombée par hasard sur un article l’été dernier d’un jeune homme qui avait participé à un stage de « restauration » des sexualités pour tenter « d’expier » son homosexualité. Il confiait au journaliste qu’il avait ressenti un tel malaise qu’il avait eu envie de crever. J’avais vaguement entendu parler de ces stages aux Etats-Unis, les « thérapies d’ex-gay » et j’ai été très choqué d’apprendre qu’il existait ce genre de « séminaire » en France en 2013. Ca a été le point de départ du projet. La question du deuil me touche aussi particulièrement. Cette expérience douloureuse puis cette renaissance, cette force de vie qu’a l’être humain pour se relever.

Patience : En tant que jeune productrice et réalisatrice, J’ai la conviction, (encore plus depuis vu le climat actuel) qu’on peut éveiller les consciences et changer les mentalités en intégrant naturellement des protagonistes LGBT dans le paysage audiovisuel et de la fiction. Ca a été fait pour la diversité « ethnique » et ça a changé les mentalités de certains. Lutter par l’image, investir les écrans et ainsi casser les fantasmes lesbiens et les stéréotypes LGBT. On ne devinait pas à ce moment là qu’une partie de la France allait montrer un tel visage, on ressent aujourd’hui une urgence dans notre démarche. Nous souhaitons les aborder de manière conceptuelle, afin d’inviter le public au questionnement sur le sens de la normalité, des croyances et des libertés.

QUELS SONT LES THEMES ABORDES DANS CES FILMS ?

Elsa  : Le premier film « Amour naturel ? » se focalise sur le personnage d’Iris, une jeune fille discrète et amoureuse de Jihane. Le film montre sa descente aux enfers dans ce stage de « restauration des sexualités » censé « expier » son homosexualité. Le second film se focalise sur le personnage de « Jihane », son deuil et son retour progressif vers la vie, épaulée par le couple Fred et Agnélé, les gérantes de l’atelier de restauration de meubles auquel elle est contrainte de participer. .

Patience  : Les principaux thèmes sont axés sur la construction identitaire des personnages, culpabilité, honte, peur mais également le deuil et l’amour. Le centre représente l’endoctrinement sociétal, une société qui veut tout normaliser : l’amour, la famille, les désirs, sous prétexte d’ordre et de morale. Cependant il y a des issues, le discours n’est pas pessimiste, les films amèneront des questionnements plus larges à travers les divers personnages secondaires. Ces derniers illustrent les divers archétypes de la société, tant dans l’acceptation de l’autre que dans son dénigrement. Le sujet est complexe.

QUELLES SONT VOS INSPIRATIONS, INTENTIONS POUR TRAITER CES FILMS ? :

Elsa : « Amour naturel ? » se passe en grande partie dans le local de cette association, endroit fermé et étouffant, couleurs criardes, personnages sur-maquillés, sur-exposés, vêtements trop colorés, trop détendus ou trop apprêtés… Un huit clos qui sous une symbolique de l’éclairement de l’être, le fait sombrer. « Jihane » à l’inverse se passe en pleine campagne, dans le Berry près de Chateauroux ; champs et terrains à perte de vue, ciel immense et bas, nature qui domine, un second souffle pour Jihane.

Patience : Quand Elsa m’a pas parlé de ces centres en Ardèche, j’ai halluciné de leur présence sur le territoire, leur discours, leur ton me semblaient surréalistes ! Ainsi ça m’a inspiré des images d’un centre et des tonalités proches de la clinique, tel des films d’anticipation fantastique entre Real Humans et Antiviral, d’où un centre tout blanc avec un personnel aux allures artificielles. Dans l’intrigue, le film La Vague , le prof, les élèves, le conditionnement vicieux mais lumineux (en rappel avec la religion), coaching « convaincant » mais manipulateur et destructeur. Et enfin pour certains personnages un ton plus léger, un peu d’humour est toujours bienvenu. Pour les deux films des esthétiques différentes qui crée du paradoxe avec l’image et le contenu. En contraste, Jihane qui est en réinsertion, dont la « sanction » après son délit l’éloigne de Paris, un retour à l’essentiel s’opère alors, des réponses lui viennent sa colère se dissipe avec son contact à la nature, au bois, à la solitude et sa liberté à être. Pour Jihane, mon traitement et mavision s’approchent de Six feet Under, un questionnement sur soi, le sens de la vie, l’après la mort du point de vue des vivants.